Phrase souvent répétée en cours de self-défense, « apprendre à encaisser des coups pour se défendre correctement » est un conseil judicieux, donné aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Une agression physique entrainera des coups sur la personne agressée, qui peut dès lors être complètement paralysée par la peur ou s’écrouler sous l’effet de la douleur. Pour éviter cela, il faut s’entraîner. Des personnes habituées dans de bonnes conditions à recevoir des coups contrôlés, non destructeurs même s’ils sont appuyés, supporteront mieux la souffrance, seront en tout cas focalisées sur leur survie et concentrées sur la défense plutôt que sur la douleur.
Quelle méthode pour apprendre cela ? Dans les années 70-80 de nombreux maîtres-nageurs avaient trouvé la solution pour apprendre à nager ; il suffisait de balancer le gamin au milieu du grand bain ! Résultat : des milliers de traumatisés ayant peur de l’eau jusqu’à la fin de leur vie. Heureusement les méthodes d’enseignement évoluent. Nous ne sommes plus dans les années 70-80… Et pourtant, dans certains clubs, même méthode pour les femmes : hop dans le grand bain ! Enfin non, en combat direct face à un colosse d’une vingtaine d’années, bodybullder de formation militaire ou avec ce gentil monsieur là-bas qui a bien l’intention de ne surtout pas perdre la face vis-à-vis d’une bonne femme ! Mais c’est important de savoir ce que ça fait de prendre un coup, c’est vrai, c’est pour « apprendre la vie », parce qu’elles ne savent pas, les pauvres petites…
En novembre 2016, l’enquête Virage rapporte que « le nombre annuel de personnes de 20 à 69 ans victimes d’au moins un viol ou une tentative de viol est estimé en France à 62 000 femmes et 2 700 hommes ». Cela signifie qu’une femme sur sept (au minimum) dans un cours de self défense a déjà vécu une agression. Et l’on ne parle pas d’une bagarre de fête foraine ici ou même de deux gars qui se testent un peu en boîte de nuit. Les agressions se situent généralement dans le cocon familial ou au travail. Il y a donc une femme sur sept (au minimum) dans ce cours de self-défense qui sait ce que « recevoir les coups » veut dire. Elle les a reçus souvent, régulièrement, tous les jours. Elle les a reçus d’un proche, ou de quelqu’un en qui elle avait toute confiance. Elle a connu l’humiliation mais s’est relevée et a réussi à franchir le seuil d’un cours de self défense. Elle a peut-être connu l’horreur du viol, acte subi que l’on considère actuellement comme faisant partie des actes de torture. Elle s’est vue et elle a cru mourir sous une tentative d’étranglement mais elle est toujours là, à s’accrocher. Une femme sur sept (au minimum) dans ce cours de self-défense a donc supporté la souffrance et la loi du silence. Une femme sur sept (au minimum) restera donc traumatisée à jamais en ayant des symptômes post traumatiques reconnus comme équivalents à ceux des militaires, enfin… reconnus par les scientifiques, c’est déjà ça. Une femme sur sept aura donc des flashs (ces moments incontrôlables pendant lesquels elle revit son agression mais en face de vous, en plein cours…). Mais cette femme sur sept (au minimum) a eu le courage de s’inscrire pour apprendre à se défendre et là, heureusement, elle reçoit le fameux conseil : il faut apprendre à encaisser les coups ! Accepte la souffrance et tu sauras te défendre !
Les a-t-elle suffisamment encaissés ?
Mais c’est tout de même le conseil que l’on donne à cette femme qui a vécu les pires horreurs…
Alors c’est vrai, apprendre à encaisser des coups pour se défendre correctement, est un conseil judicieux pour des personnes n’ayant jamais vécu d’agression ou n’ayant pas entraîné de traumatismes graves. Mais cette femme sur sept (au minimum) elle, son problème, c’est qu’elle les a déjà reçus ces coups, qu’elle ne les supporte plus, ces coups et surtout, surtout, elle ne veut plus jamais entendre qu’elle doit supporter la souffrance… Elle a dépassé ce stade et ce qu’elle vient chercher en cours de self-défense c’est peut-être et surtout une aide pour apprendre à ne plus jamais les recevoir…